En août de cette année, Florian s’est rendu à la conférence Eating insects in Athens. Il a eu le plaisir d’y rencontrer Valerie Stull, doctoresse en sciences récemment diplômée (au passage, félicitations !). Elle travaille actuellement au centre du développement durable et de l’environnement à l’Université du Wisconsin à Madison aux USA. Valérie est spécialiste de la consommation d’insectes en Afrique et aux États-Unis.
1.Ton étude menée sur les bénéfices des grillons sur notre santé a largement attiré l’attention, peux-tu nous en dire plus ?
Actuellement, il y a de nombreuses études sur la teneur en protéines, zinc et autres nutriments contenus dans les insectes. De mon côté, je souhaitais plutôt mettre en avant l’impact positif et direct de la consommation d’insectes. J’étais curieuse de connaître l’influence de cet ingrédient sur notre santé et notre bien-être. C’est pour cela que j’ai décidé d’organiser une étude aléatoire et à double insu. En d’autres mots, nous avons testé, sur 20 américains, les effets d’un régime alimentaire composé de poudre de grillon, par rapport à son pendant sans insectes. Nous avons demandé à une partie des sujets de l’étude, sélectionnés au hasard, d’ajouter 25 grammes de poudre de grillons au petit-déjeuner durant deux semaines. Dans le même temps; l’autre partie du groupe avait un petit déjeuner sans insectes. Après deux semaines vierges d’insectes, les rôles ont été inversés. Après ces 6 semaines d’études, nous étions capables d’en tirer des conclusions.
Premièrement, nous étions heureux d’observer qu’il n’y avait pas d’effets néfastes pour notre métabolisme puisque nous n’avons décelé aucune toxicité, intolérance ou problèmes de digestion associé à la consommation d’insectes. Aussi, nous avons noté de petites différences au niveau de la flore bactérienne présente. Par exemple, la quantité de Bifidobacterium animalis, une bactérie probiotique, a significativement augmenté. En conclusion, les résultats étaient encourageants et bénéfiques pour la santé des participants de l’étude. Evidemment, nous avons besoin de recherches à plus grande échelle pour revendiquer ces découvertes, mais c’est très encourageant pour une étude pilote.
2. Depuis quand t’intéresses-tu aux insectes comestibles et te souviens-tu comment cela a commencé ?
Oui, c’est très clair dans mon esprit. J’avais 12 ou 13 ans lorsque j’ai voyagé avec ma famille en Amérique Centrale. On m’a offert des fourmis grillées. Bien évidemment, j’étais un peu nerveuse à l’idée de manger des insectes. Mais dès la première bouchée de fourmis, j’ai directement réalisé que cela avait un goût familier de nourriture.
Evidemment, parce que c’est de la nourriture ! 😀
Ce fut une révélation, puisque ce n’était pas présent dans notre culture alimentaire aux États-Unis. Quelques années plus tard en 2013, j’ai pris connaissance du rapport de la FAO à propos du potentiel des insectes comestibles pour répondre aux enjeux de notre système alimentaire. Avec un ami, j’ai participé à une compétition sur ce thème. Puis, j’ai continué par un doctorat sur le sujet, et c’est maintenant devenu mon métier. J’étais intriguée par le manque de connaissance et les aprioris que nous avons en Occident.
3. Peux-tu nous donner plus d’informations sur ton périple en Zambie ? Qu’y as-tu fait ? Pourquoi ?
J’ai passé une année en Zambie pour essayer de comprendre comment les gens vivent et comment ils consomment les insectes comestibles. J’y ai mené une étude sociale et culturelle à propos de la perception des insectes comestibles en Afrique. J’ai aussi essayé d’y percevoir leur intérêt pour l’élevage d’insectes, car plus de 92% des insectes consommés en Zambie sont récoltés dans la nature.
J’ai décidé d’aller en Zambie pour 3 raisons. Avant tout car y manger des insectes est très commun, puisqu’il y’a plus de 80 espèces d’insectes consommées à travers le pays. Ensuite, le pays est très vulnérable à l’insécurité alimentaire et la malnutrition. Enfin, j’avais de bons contacts en Zambie comme j’y avais déjà travaillé.
4. Comment as-tu fait pour gagner la confiance de la population ? Est-ce que c’était dur de s’adapter ?
J’ai trouvé que c’était difficile d’être externe à une communauté, lorsque l’on doit comprendre quelque chose de si personnel. J’ai pu gagner la confiance de la population en prenant du temps et en étant à l’écoute. À chaque fois, je cherchais un leader qui pouvait m’orienter. Également, je prenais l’habitude de parler séparément aux femmes et aux hommes. J’ai trouvé que c’était plus facile d’obtenir l’opinion de chacun. De manière générale, les femmes sont plus investies dans la collecte des insectes et dans les choix alimentaires du quotidien.
5. D’après toi, que mangera t-on en 2050 ?
Aux États-Unis, je pense que nous ferons des choix alimentaires plus écologiques et que nous mangerons plus de produits locaux. De plus en plus de personnes sont intéressées par l’origine et l’impact environnemental de leur alimentation. J’espère bien évidemment que nous mangerons davantage d’insectes, même si je pense qu’il faudra plus de 30 ans pour qu’ils deviennent « mainstream ».
Enfin, je pense sincèrement que plus de poissons et de poulets seront nourris avec des insectes.
6. Que fais-tu au quotidien pour réduire ton impact environnemental ?
Je suis « entotarienne », ce qui veut dire que je suis végétarienne mangeant des insectes et pas de viande, la majorité du temps. Aux États-Unis, je consomme des vers de farine et des grillons qui sont les plus faciles à trouver. J’aime les ajouter à mes smoothies le matin. Lorsque j’étais en Zambie, c’était plus facile, je pouvais trouver des chenilles, termites et de nombreux autres délicieux insectes frais.
7. A ton avis, quel était le challenge principal de la conférence à Athens ?
Contrairement à d’autres évènements, nous voulions vraiment rassembler, en un seul et même endroit, des intervenants très différents, travaillant dans le domaine des insectes. Par exemple, nous avons pu convier des scientifiques, des entreprises comme JIMINI’S, des chefs, artistes et éducateurs. Nous avons donné l’opportunité à tout ce beau monde d’interagir, d’échanger et de parler d’insectes comestibles. Ceci nous a permis de travailler tous ensemble avec le même objectif : faire découvrir, apprécier et consommer des insectes au public.
Quelques questions sur les insectes comestibles:
- Avec qui voudrais-tu prendre un ver ? Probablement Arnold van Huis, professeur en entomologie à Wageningen OU Barack Obama
- Une chanson qui te donne le cricket power ? The Man – Feel It Still and Mimicking Birds – Sunlight Daze
- Quel est ton insecte comestible préféré ? Les fourmis volantes en Zambie – un délice !
- Et parmi notre gamme de produits ? J’ai adoré les grillons à la mangue douce car je n’ai pas l’habitude de combiner les insectes avec des saveurs sucrées.
SCIENTIFIC REPORTS paper out! – Impact of Edible Cricket Consumption on Gut Microbiota in Healthy Adults, a Double-blind, Randomized Crossover Trial https://t.co/K23oj0VGeI
— Valerie Stull (@_vstull_) July 17, 2018
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